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12/05/2016

La droite-Ubu : faire de Hollande un moindre mal ?

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Juppé, Fillon, Le Maire : surenchère d'idéologie libérale. Ça va plaire aux "plus de 5000 euros par mois"... Mais ça fera passer Hollande pour un moindre mal aux yeux de tous les autres :


 
 

Alors que 70 % des Français sont hostiles à la « loi Gattaz » (réforme El Khomri), les pré-candidats de droite se lancent dans un concours d'ultralibéralisme. Ce qu'ils appellent « les vraies réformes qui s'imposent en 2016 » n'est rien d'autre que le programme des zozos-madelins de 1986 : défiscaliser les firmes, raréfier les services publics, ratiboiser les minima sociaux et les aides aux chômeurs, créer de pseudo-CDI à obsolescence programmée [1], annoncer d'avance qu'on ne négociera plus avec les syndicats...

D'où vient cet aveuglement ? De la myopie des politiciens. Juppé, Fillon, Le Maire n'ont pour l'instant qu'un objectif, la « primaire de la droite et du centre », scrutin de niche sociologique visant les catégories aisées : « 3 millions de gens sur les 44,6 millions d'électeurs », soulignent les politologues. Le vivier de la primaire est « un concentré au sens culinaire de l'électorat de droite », constate Jérôme Fourquet (Ifop). Satisfaire cette niche d'où sont absentes les classes populaires, c'est s'aliéner le reste des Français ! Juppé, Fillon, Sarkozy ou Le Maire semblent n'en avoir pas conscience. D'où leur programme d'Ubu.

Ce programme fera passer François Hollande pour un moindre mal [2] ? Ils s'en fichent, persuadés de voir Hollande disparaître au premier tour – et le candidat de droite être élu mécaniquement (quel que soit son programme) grâce à l'effet Le Pen.

Ce calcul est en réalité hasardeux. Il fait bon marché de l'état d'esprit des Français.

En revanche, il plaît aux idéologues libéraux qui gravitent autour de LR. Ainsi M. Laîné. Président de la « société de conseil en sratégie Altermind » et co-directeur du « marché prédictif Hypermind » (!), donc professeur de philosophie politique à Sciences Po, M. Laîné nous explique [3] que MM. Fillon, Le Maire et Juppé sont « tardivement mais intensément touchés par la grâce de la liberté ». Son axiome est que le libéralisme économique est une « soif puissante » chez les citoyens, « douce nouvelle » dont M. Macron aussi est le « chantre souriant » ; et que le « libéralisme heureux » (lié à la mondialisation heureuse ?) n'a évidemment rien à voir avec un capitalisme sauvage, ni avec des oligarchies. Sur le plan sociétal, M. Laîné ne nie pas que la GPA ou le port de la burqa font partie du « libéralisme en tout » ; mais il rassure en certifiant que « l'urgence » n'est pas là et qu'il faut d'abord « mettre un terme au socialisme contemporain ».

Se rappelant ainsi que nous gémissons sous la botte des Rouges,  le libéral-conservateur redresse le menton, remercie M. Laîné (ou Mme Delsol, etc), et s'apprête – non sans fierté virile – à prendre part à la primaire de la droite et du centre.

Voilà comment on fait l'impasse sur le problème d'aujourd'hui : la démission du politique au profit des marchés, incapables de prévoir quoi que ce soit et menant le monde au désastre... « Les mutations du capitalisme bouleversent la vie des sociétés et provoquent des crises systémiques de longue durée », constate l'économiste Aglietta [4] : il reviendrait donc « aux acteurs politiques » d'énoncer « une vision du futur vers laquelle s'engager » et de « responsabiliser les investisseurs »... Mais l'idéologie libérale le leur interdit. Elle leur fixe pour seul rôle d'achever l'arasement, dans nos pays, de tout ce qui n'est pas du domaine de la marchandise.

Ne comptez pas sur la droite libérale pour vous le dire. Ni sur la gauche libérale.

Alors sur qui ?  Sur vous-mêmes !

C'est l'heure du réveil.

 

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[1] Juppé et Fillon veulent incorporer au contrat de travail des clauses d'annulation automatique pires que celles de la loi El Khomri. Par exemple : « la diminution des résultats de l'entreprise », « la baisse des parts de marché » ou « les pertes de contrats »... Faire ainsi du travail humain une « variable d'ajustement », comme dit le pape dans Laudato Si', c'est revenir au capitalisme du XIXe siècle contre lequel s'était dressée la papauté. Qu'en disent les cathos LR ?

[2] Dans ce domaine Sarkozy est moins extrême que ses rivaux, parce qu'il se croit déjà dans la campagne de 2017. Cette présomption risque de lui coûter la primaire.

[3] Le Monde, 11/05.

[4] ibid.

 

Commentaires

DÉSARMÉS ?

> "Plus c'est gros, mieux ça passe". Ce pilier de la communication de masse est bien connu depuis les nazis. Je parlais de la loi travail avec des amis qui devraient en principe y être opposés : "On ne l'a pas lu en entier, il y a peut-être des choses très bien dedans." Plus ce que vous avancez est énorme et plus les gens se diront : "Ça ne peut pas être aussi stupide que ça en a l'air. Puisqu'ils ont l'air sûr que c'est bien, c'est peut-être nous qui nous trompons."
Il faudrait sans doute voir là une régression infantile. Toujours est-il que la suppression des organisations sociales au profit de l'individualisme laisse l'électeur désarmé et vulnérable face aux manœuvres de manipulation. Les conditions ne sont pas réunies pour constituer des résistances solides et efficaces comme dans la première moitié du XXe siècle.
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Écrit par : Guadet / | 12/05/2016

TÂCHES

> Le réveil ? Serait-ce un clin d’œil à Jean-Frédéric Poisson, candidat honorable à la primaire pour le Parti Chrétien Démocrate, dont c'est justement le slogan de campagne ?...
Mais si vous situez ce réveil hors de la politique (politicienne, tout au moins), dès lors, COMMENT nous réveiller et, surtout, nous réveiller tous ensemble pour faire corps contre les forces libérales que vous dénoncez à raison ?
En vivant le catholicisme évangélique auquel nous appelle le pape François ? Ce serait déjà beaucoup, certes. Et en même temps, cela paraît si peu à l'échelle individuelle face aux puissances à l’œuvre...
Ne pas désespérer, déjà. Rester humble, ensuite. Se mettre en mouvement, enfin.

Quentin


[ PP à Q. - Le réveil, c'est d'abord la prise de conscience de chacun. C'est ce qui rendra le reste possible ! Première tâche : aider tout le monde à sortir des illusions. Et cette tâche-là est à notre portée. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Quentin / | 12/05/2016

J.F. POISSON N'EST PAS LIBÉRAL

> Une exception parmi les pré-candidats de la droite qui passent par la case primaire, JF Poisson, qui affirmait lors de la présentation de son projet : "la principale révolution qui serait à accomplir aujourd'hui, c'est que le politique reprenne le pas sur la finance. Je sais que cela déplaît à certains, mais je ne suis pas libéral."
GP


[ PP à GP
- JFP (qui a toute notre admiration) ne pense sans doute pas battre Juppé. Sa présence combattante est une candidature de principe, utile dans la mesure où elle proclame tout haut ce que les libéraux ne pensent même pas tout bas. Mais l'argent est du côté des libéraux : et c'est lui qui prévaut dans ce genre d'exercice...
- Accessoirement, il sera intéressant de voir si les bons jeunes gens de SC ont le courage de soutenir JFP, ou s'ils s'embarquent dans les contorsions habituelles. (On se souvient de la précédente "catho de l'UMP" se mettant debout sur sa chaise pour applaudir Juppé lors de son retour en 2006... ]

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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 12/05/2016

REPRENDRE LA SOUVERAINETÉ ÉCONOMIQUE

> Si on regarde froidement le paysage, il est clair que tant que, simultanément, nous sommes exposé au libre-échange généralisé (même sans TAFTA) et dépourvus de pouvoir sur notre parité monétaire, nous ne pouvons pas maîtriser notre modèle économique, et que nous ne pouvons pas faire autrement que d’être compétitif, donc suivre la course au moins disant salarial sous peine de voir se poursuivre notre effondrement. Les concurrents de la primaire sont donc logiques avec eux-mêmes
Le vrai combat, passé sous silence par la quasi-totalité des opposants à la loi en question est donc de reprendre les attributs de la souveraineté économique.
Ceci ne veut pas dire qu’il n’y aura pas des aberrations du système actuel à corriger, la principale étant la «punition» de l’emploi par la charge de presque toute la protection sociale, véritable prime à l’importation.
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Écrit par : Pierre Huet / | 12/05/2016

QUALITÉ DE L'EMPLOI

> Contrairement aux idées reçues, quantité de travail et qualité de l'emploi ne varient pas en sens inverse, mais de concert : dans aucun pays de l'UE la baisse du taux de chômage, lorsqu'elle a eu lieu, s'est faite au prix d'une dégradation de la qualité de l'emploi. C'est ce que nous apprend l'Enquête sur les forces de travail (EFT) sur la période 2006 à 2012.
A l'inverse, l'augmentation du taux de chômage est corrélée à la dégradation de la qualité de l'emploi. Exemple : entre 2006 et 2012, l'indicateur de mauvaise qualité de l'emploi a été multiplié par 1,4 en Espagne, tandis que le taux de chômage était multiplié par 2,9 dans le même temps.
Cette étude émane pourtant de l'office statistique de l'Union Européenne (Eurostat) en collaboration avec les instituts statistiques nationaux.
Visiblement ni le gouvernement actuel ni "l'opposition" ni toutes leurs armées de jeunes conseillers très diplômés ne sont au courant. Mais que pèsent les faits face aux idéologies ?
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Écrit par : Thomas Mousset / | 13/05/2016

LIBÉRALISME IMAGINAIRE

> Oui, mais Sens commun nous parlera sans doute, pour compenser, de "leadership vertueux" et "magnanime". Et ainsi, le cercle vicieux des structures de péché sera rompu... Le libéralisme n'est-il pas "l'art politique dans sa forme la plus haute" comme disait le regretté Aron ?
(Tout ceci n'est pas à lire au premier degré)

Maud


[ PP à Maud
- En effet : les libéraux cathos (dont Mme Delsol et sa suite) nous rabâchent un libéralisme imaginaire, "jamais constaté nulle part" - disent les papes et les économistes - parce que contraire à la structure même du libéralisme.
- Ce libéralisme imaginaire leur sert à esquiver toute critique du libéralisme réel. ]

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Écrit par : Maud / | 13/05/2016

UN JOUR

> On ne voit pas en quoi un éventuel président de droite ferait passer Hollande pour un moindre mal. Il n'y a pas l'épaisseur d'un papier à cigarette entre la droite et la gauche dans leur composante libérale libertaire. Un Emmanuel Macron pourrait être 1er ministre ou rester ministre de l'économie et des finances d'un président de cette droite ou d'un président "socialiste". Je mets le mot entre guillemet car le libéralisme financier a corrompu la majeure partie de la gauche centriste et a réalisé une OPA sur le PS. N'oublions pas Hollande déclarant crânement pour les besoins de son élection "mon ennemie c'est la finance", et Macron filant aussitôt à la City pour expliquer qu'il ne s'agit que d'une posture politique et "rassurer les marchés".
Bref, nous sommes bien en post-démocratie, et la construction, par les élites, d'un système pour ces élites mondialisées et financières supposera tôt au tard de stopper le jeu électoral s'il conduit à élire des dirigeants capables de s'opposer à leurs manigances par une politique de promotion du bien commun.
Tant qu'il est possible pour ces élites de surfer sur la vague du ventre mou d'un bipartisme donnant les apparences d'une pseudo-démocratie, le système pourra s'auto-entretenir. En fait, jusqu'à un certain point, car malgré les prouesses du techno-nihilisme, ces élites sont en train de scier la branche sur laquelle elles sont assises, et en paieront elles-mêmes le prix tôt ou tard lorsque notre monde sera devenu invivable : à vouloir faire du monde entier une marchandise, nos marchands des lendemains qui déchantent, n'auront un jour plus grand chose à vendre quand la crise consumériste aura atteint son point de rupture.
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Écrit par : Patrick S / | 14/05/2016

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